FEU DES JOIES INSURMONTABLES

de ses mains, le feu avait jailli. ou plutôt, la fumée due à la chaleur. elle avait des étincelles dans les ongles et des lumières dans les cheveux. le rose aux joues et des diamants de lave incrustés dans sa peau. ses paumières battaient dès qu'un brillant éclat venait lui percuter le front, sur lequel ses sourcils se fronçaient. ses lèves gercées mais bien dessinées tremblaient légèrement, une rangée de perles blanches immaculées apparaissait pour contraster avec la suie qui commençait à s'accumuler sur son visage encore juvénile. ses doigts enroulés se dépliaient lorsque cela devenait insupportable. dans ses mains elle tenait le feu, qui brûlait bois et acier, composait des lignes aussi courbées et arquées que carrées et anguleuses. de ses mains elle révolutionnait le monde et s'amusait pour éblouir le monde de son seul talent. lotti se sentait puissante, un pyrograveur niché dans le creux de sa paume à la place du stylo des écoles.
quand elle marchait, ses pas résonnaient dans l'air, tels des sons suspendus dans un vide abyssal. quand elle marchait, on pouvait entendre une démarche décidée se démarquer. elle aimait bien être seule au milieu de la rue, du boulevard, de tourbillonner dans les airs en criant dans tous les sens, de sauter, de danser, trébucher et se retourner pour voir si personne ne l'avait vue dans cette plus grande honte. elle aimait bien le début de la journée, son soleil qui se levait avec, parfois, des nuages, ou ceux ci qui recouvraient le ciel d'un gris monotone remplit de mesquinerie, qui avait l'air de dire qu'il avait gagné la partie, qu'il avait réussi aujourd'hui à pourrir le temps de la journée. mais c'était pas tellement vrai, parce que lotti aimait la pluie alors qu'il fasse beau selon les critères des autres ou moche, ça revenait un peu au même. c'était l'ordre des choses, non ?
lorsqu'elle rentrait dans la maison, elle sentait de temps à autre une odeur de gâteau, des biscuits qu'elle s'imaginait couleur pastel, couleur nouvelle. elle voyait son père assis dans le fauteuil, et sa mère pas très loin. elle criait un j'suis rentrée tonitruant, brouillon et maladroit, et se précipitait dans sa chambre. de là, elle pouvait voir derrière la fenêtre un petit monde familier. elle essayait de puiser son imagination là dedans, dessinait un nouveau motif à graver sur une cuiller en bois. des fois le chien (patouille) venait s'incruster sur ses genoux, il disait s'il te plaît vient me promener, et elle l'envoyait bouler, parce qu'elle essayait de voir si elle apercevait un visage connu, qui parlait ou rigolait, dansait ou faisait autre chose. elle pouvait tout voir, si elle voulait vraiment encore plus voir elle se mettait sur le balcon. lotti observait tout, elle notait tout dans un coin de sa tête pour tout ressortir à ses amis, ou à d'autres personnes, colporter des ragots. ça pouvait lui apporter des ennuis mais elle se disait qu'elle n'était plus à ça près maintenant.
une dernière chose, une dernière figure la faisait rayonner. nono n'était pas bien loin d'elle, et bien souvent elle se rendait dans son appartement pour l'embêter, mais lotti aimait beaucoup sa sœur, et puis nono n'était pas bien méchante avec elle. mutuellement elles faisaient briller l'autre, la partie cachée enfouie sous les détritus de sourires hypocrites et de mensonges bien placés qu'elles offraient aux gens (enfin à certains). et cette partie était un trésor qu'elles se délivraient, regorgeant d'amour et de secrets, même si quelques années les séparaient.